Un compte richement décoré

Le Moyen Âge est connu pour être une période pendant laquelle les impositions fleurissent. Le chapitre de la cathédrale Saint-Pierre de Troyes perçoit lui aussi des impôts prélevés sur ses fidèles. Le registre présenté ici est le Compte des mayries et tailles des hommes et femmes de léglise de Troyes fait et rendu par moy Jehan Blanche souchantre dicelle église pour 1 an commencant a la saint Martin diver lan mil IIIIc X et fenissant audit jour lan révolu mil IIIIc et XI. Il s’agit en réalité des comptes des années 1410 (folios 1 à 3), 1411 (folios 3v à 4v), 1412 (folios 5 et 6) et 1413 (folio 6v à 11).

La première ligne du titre principal est très richement décorée et laisse entrevoir toute la palette artistique du copiste. Une tête d’homme est insérée dans la boucle du C majuscule. Il porte une barbe, des cheveux assez courts et un chapeau sur lequel paraît être accrochée une broche en forme de fleur. Nous le voyons souffler des tourbillons d’air semblables à des branches se terminant par des feuilles. Deux autres personnages moins soignés, mais néanmoins remarquables sont également insérés dans d’autres titres.

La composition de ce volume est très classique. Il s’ouvre avec le titre général que nous venons de décrire. Vient ensuite le premier type d’impôt titré au centre de la page. Puis les personnes taxées sont listées les unes après les autres. La somme de l’impôt est inscrite en regard à droite du nom de l’imposé. Une somme globale récapitulant la totalité du prélèvement est indiquée. La même opération est réitérée pour le deuxième type d’impôt, etc.

Chaque compte est organisé en trois sous-parties. Premièrement, les dettes de l’année précédentes sont notées, lorsqu’elles existent. Puis viennent les recettes de l’année en cours. Enfin, les dépenses de l’année clôturent le compte annuel. L’ensemble des dettes, recettes et dépenses prend fin par une « somme toute » qui calcule l’intégralité du montant.

Au-delà du renseignement sur l’état financier d’une communauté, les comptes constituent une excellente source pour se familiariser avec les populations et leurs pratiques. Le chapitre cathédral possède sept seigneuries dont les terres sont travaillées par des taillables c’est-à-dire des hommes et des femmes sur lesquelles il prend un revenu en grains et en argent. Les sommes prélevées évoluent d’une année à l’autre de quelques sous à plusieurs livres.

Le registre présenté ici est tenu par Jean Blanche, sous-chantre de la cathédrale. Sa fonction lui donne toute autorité sur les membres du bas clergé et le rend responsable de la sonnerie des cloches et du chant lors des cérémonies.

Nous pouvons observer quelques informations remarquables dans ce volume. Pour ne donner qu’un exemple, nous apprenons que le 1er novembre 1410, le prêtre et vicaire de la cathédrale, Jean Durot, est rémunéré 18 livres pour avoir célébré une messe anniversaire pour « le remede de lame de feu bonne mémoire messire Pierre de Villiers jadis evesque de Troyes ».

Le registre est clôturé et validé par une formule en latin suivie des seings manuels des responsables de la comptabilité capitulaire : Courlon, Pougeoise, De Novocastro, Nesplier et Gonant.

Aurélie Gauthier

Mai 2023