24 mai 1524, le jour où Troyes brûle (presque) entièrement
Le mardi 24 mai 1524 vers 22h, un violent incendie de deux jours détruit une grande partie de la ville de Troyes. Attisé par un vent vif, il se propage rapidement au reste de la ville en se nourrissant des maisons construites en bois si bien qu’il est vite nommé « le grand feu ». Il semble prendre dans la maison d’un apothicaire de la rue Notre-Dame (rue Émile Zola actuelle).
Les échevins de la ville en donnent la délimitation précise : le feu a détruit la zone partant de l’église Saint-Jean-au-Marché (seul le clocher a été touché) au quartier de Croncels. Celui-ci, ainsi que le quartier du Beffroi, est complètement détruit. Celui de Comporté l’est en partie. Le Beffroi en bois et sa cloche, les églises Saint-Nicolas et Saint-Pantaléon, l’hôtel de la Monnaie, les hôpitaux Saint-Bernard, Saint-Abraham et Saint-Esprit sont consumés. Les places du marché au blé et de l’Étape aux vins sont également touchées. Bien que les rumeurs circulant jusqu’à Paris soutiennent que la ville entière est détruite, ce n’est en réalité qu’un tiers de Troyes qui a été dévoré par les flammes. Il s’agit toutefois de la ville haute correspondant à l’ancien quartier des foires, le quartier commerçant le plus riche.
Les coupables sont rapidement désignés. Pour les uns, il s’agit d’Espagnols entrés déguisés dans la ville – à cette date François Ier est en guerre contre Charles Quint. Pour les autres, il s’agit d’un enfant ou d’un groupe d’enfants. Pour Nicolas Pithou, il s’agit d’un règlement de compte entre deux personnes qui revendiquaient la propriété de la maison d’où serait partie le feu.
Les chanoines de Saint-Étienne de Troyes, réunis en chapitre le vendredi 27 mai, tendent à confirmer la théorie de l’ennemi du royaume : « Considérans le gros et énorme inconvénient de feu advenu en ceste ville mardi et mercredi derrenièrement passé en telle manière que la tierce partie font le tout est périe et bruslée et les biens comme de bledz, vins et autres munitions de vivre avec marchandise y estans aussi perduz, bruslez et consumez et ce a esté faict par gens plains de la volente de lennemy denfer qui y ont mis le feu en plusieurs lieux ».
Bien que le feu n’ait pas franchi l’actuel canal, ils souhaitent convenir d’un lieu où « lon mectra a seurté les sanctuaires et reliques de ceste église pour éviter le danger de feu sil advenoit que Dieu ne veulle par sa saincte grace que aulcun inconvénient en peust advenir et aussi les chastres et tiltres de ceste église ». En effet, l’Hôtel de Ville, les églises Sainte-Madeleine et Saint-Rémi, la basilique Saint-Urbain, l’abbaye Notre-Dame-aux-Nonnains sont épargnés. Cela n’empêche pas Desguerrois de rapporter que l’abbé de Saint-Loup se serait enfui avec les reliques du saint pour les mettre en sûreté – tandis que Pithou affirme que la même châsse a été processionnée à proximité du feu, le saint ayant la faculté d’arrêter les flammes.
Les chanoines de la cathédrale prennent aussi leurs précautions. L’édifice étant encore en construction, ils font retirer la paille qui recouvre les parties non fermées et dépensent 105 livres 11 sous et 8 deniers pour « faire le guect par les ouvriers de ceste église pour obvier aux dangers de feu qui de présent sont en ceste ville de Troyes affin de garder ceste église de nuyt desdits dangiers ».
Le 18 février 1525, François Ier ordonne la reconstruction de la ville « a présent inhabitable et en désolacion » dont les ruines abritent « de nuyct plusieurs mauvaix garsons, larrons commectans par ce moy en meurtres, larrecons et autre maulx tellement que les habitans de ladicte ville ne pevent vivre a seureté ».
Aurélie Gauthier
Mai 2024
Pavé technique
Titre : 24 mai 1524, le jour où Troyes brûle (presque) entièrement
Cote : 6 G 16*
Date : 1523-1527
Description : Registre des délibérations capitulaires du chapitre de l’église collégiale Saint-Étienne de Troyes (fol. 45v-46).
Pour aller plus loin :
Aux Archives départementales de l’Aube :
G 1282, fol. 46-47 : délibérations capitulaires de la cathédrale de Troyes (1523-1536).
G 1589, fol. 291, 292, 334v : compte de la fabrique de la cathédrale de Troyes (1523-1524).
G 3754 : procédure qui vise à redresser la rue Saint-Pantaléon après l’incendie de 1524.
6 G 47 : fabrique de la collégiale Saint-Étienne de Troyes. Copie d’une charte de François Ier qui autorise la reconstruction des maisons (18 février 1525).
15 G 42, fol. 112 : compte de la fabrique de l’église Saint-Jean-au-marché de Troyes (1527-1528)
19 G 8*, fol. 15, 16 et 16v : compte de la fabrique de l’église Saint-Pantaléon de Troyes (1523-1525).
19 J 52 : fonds Alfred Morin. Liste des maisons sinistrées lors de l’incendie de 1524. Non daté.
Aux Archives municipales de Troyes :
Fonds ancien, boîte 31 : incendies (1487-1789).
Boîte 96 : registre de délibérations du conseil municipal (1524).
Boîte 232 : DUHALLE, Louis, Mémoires historiques et chronologiques des antiquités de la ville de Troyes, capitale de la Champagne : tome 1 (1753).
Ouvrages :
PP 34 : COURTALON-DELAISTRE, Topographique historique de la ville et du diocèse de Troyes, 1783, tome II, p. 193
BP 217 : DES GUERROIS, Nicolas, La saincteté chrestienne, 1637, p. 417-418.
3 PL 93 : PIÉTRESSON DE SAINT-AUBIN, Pierre, « Topographie troyenne : autour de Saint-Jean », dans Mémoires de la Société Académique de l’Aube, t. 92, 1929, p. 47-108.
5 PL 20 : BIBOLET, Françoise, 1524 : un incendie détruit le tiers de Troyes », La Vie en Champagne, n° 426, 39e année, décembre 1991, p. 3-5.
5 PL 21 : BIBOLET, Françoise, 1524 : un incendie détruit le tiers de Troyes (suite) », La Vie en Champagne, n° 452, 42e année, avril 1994, p. 19-21.
5 PL 9 : MORIN, Alfred, « Principaux incendies survenus à Troyes de l’an 888 à nos jours », La Vie en Champagne, n° 177, avril 1969, p. 12-13.
2 PL 22 : PIGEOTTE, Léon, « Notice sur l’incendie de Troyes en 1524 », Annuaire de l’Aube, 1858, p. 41-66.
1241 PL 555 : VAN HOUTTE, Jean-Michel, « 1524 : le “Grand Feu” dévore Troyes », Libération-Champagne, dimanche 1er juin 2008, supplément au journal p. XI.