Plan d’implantation de l’industrie papetière et d’impression sur toiles, dans le quartier des Hauts-Trévois et des Bas-Trévois
Au printemps 2024, la restauration d’un plan ancien de la ville de Troyes, dont l’état de dégradation ne permettait pas la consultation, a été rendue possible grâce au mécénat de Monsieur Léopold Denis, fondateur de Votre Carte Ancienne. Sa généreuse contribution a permis de sauver ce document historique et de le numériser pour le rendre accessible au public.
Ce plan offre une représentation simplifiée de la ville de Troyes, incluant à la fois la partie intra-muros et les quartiers extérieurs. La zone intra-muros est identifiable à sa forme caractéristique de bouchon de champagne, délimitée par les remparts et accessible via six grandes portes. Les principales voies de communication (promenades, rues urbaines, cours d'eau, canaux) y sont également indiquées.
Cependant, l'essentiel du plan se concentre sur la schématisation de certains quartiers situés entre Troyes et Saint-Julien-les-Villas. Si les quartiers du Faubourg Croncels et du Pré l’Évêque sont mentionnés, ce sont les Hauts-Trévois et Bas-Trévois qui reçoivent une attention particulière. Ces quartiers bénéficient d'une description plus détaillée grâce à une table indicative répertoriant les noms de certains propriétaires, ce qui met en lumière l'aménagement spécifique des Trévois. Le quartier des Bas-Trévois, en particulier, se distingue par son patrimoine mobilier et immobilier, comprenant moulins, maisons, prés à blanchir, blanchisserie et imprimerie en indienne, révélant ainsi sa vocation industrielle, notamment dans la papeterie et l'impression sur toiles. Ces infrastructures sont principalement localisées entre le canal des Blanchisseurs et le canal de Notre-Dame, près du Pont des Champs, bénéficiant ainsi d'un accès constant à l'eau.
Cette industrie est présente à Troyes et dans ses environs depuis 1766, date à laquelle Claude Edme Debure, déjà propriétaire du Moulin Le Roy (anciennement Papeterie de Saint-Julien/Bolloré), ainsi que de plusieurs parcelles adjacentes, souhaite diversifier son activité papetière en créant une manufacture de toiles peintes, également appelées localement toiles d’indiennes ou toiles d’Orange). Pour autant, ce plan, non daté, témoigne d'une implantation datant de la période révolutionnaire qu’il est possible de situer entre 1796 et 1801.
À cette époque, trois manufactures, produisant près de quinze mille pièces par an, semblent être en activité dans les faubourgs de Troyes.
Ce plan revêt un intérêt particulier pour l'histoire locale, car il offre un éclairage précieux sur l'évolution industrielle de certains quartiers troyens. À l'époque de sa réalisation, le premier atelier d'impression sur toiles peintes avait déjà cessé d'exister sous sa forme initiale. Le Moulin Le Roy avait conservé sa vocation papetière sous la direction des citoyens Moreau et Fléchey, qui transformèrent les locaux de l'ancien atelier d'impression, abandonné après que la manufacture a été cédée à Mademoiselle Morlet. Celle-ci fit construire des ateliers plus adaptés rue des Terrasses pour poursuivre la production. Le terrain adjacent au moulin, autrefois utilisé comme pré à blanchir, fut quant à lui vendu aux citoyens Desjardins et Berthelin.
C’est précisément à cette époque que des changements économiques, et même sociaux, transforment durablement le secteur industriel avec l'apparition des manufactures d'impression sur toiles. Présente en France depuis la fin du XVIIe siècle, cette industrie a longtemps été soumise à de nombreuses réglementations et interdictions visant à limiter sa production et son commerce, afin de protéger le commerce des toiles importées d'Extrême-Orient ainsi que les autres industries françaises, comme le tissage et la bonneterie. Malgré ces restrictions, l'industrie de l'impression sur toiles se développe progressivement, au point que Louis XV lève en 1759 toutes les interdictions pesant sur ce secteur. Celui-ci devient alors l'un des plus grands pourvoyeurs d'emplois industriels à Troyes et dans sa région.
Après la Révolution, cette activité bénéficie d'une plus grande liberté dans ses méthodes de production et de tarification, permettant ainsi un renouveau des manufactures. Elle est devenue si importante que les terrains utilisés comme prés à blanchir acquièrent plus de valeur que les maisons d'habitation et les bâtiments d'usine.
Cependant, face aux difficultés économiques provoquées par les guerres et l'instabilité politique, à la pénurie de main-d'œuvre attirée par des secteurs industriels plus stables, et à l'incapacité de profiter des innovations techniques, l'industrie de l'impression sur toiles peintes décline progressivement. La dernière usine, principalement détenue par la famille Anheim, avait connu une période de prospérité après l'acquisition des terrains de Joseph Hermey. Mais en raison de la baisse de rentabilité, cette activité cesse à Troyes en 1828, les dirigeants se concentrant désormais uniquement sur le blanchiment et la teinture textile.
Anne-Lise DREGE
Décembre 2024
Pavé technique
Titre : Plan d’implantation de l’industrie papetière et d’impression sur toiles, dans le quartier des Hauts-Trévois et des Bas-Trévois.
Cote : Boite 489
Date : entre 1796 et 1801
Description : Plan manuscrit présentant l’implantation de l’industrie papetière et d’impression sur toiles, dans le quartier des Hauts-Trévois et des Bas-Trévois. Ce plan est accompagné de trois légendes : la première recense les portes des remparts, la deuxième mentionne certains ponts troyens tandis que la troisième liste quelques noms de propriétaires ainsi que les propriétés leur appartenant.
Ces visuels présentent le plan avant et après restauration réalisée par La Reliure du Limousin.
Pour en savoir plus
- MORIN Louis, « Recherches sur l’impression des toiles dites « indiennes » à Troyes (1766-1828) », Mémoire de la Société Académique d’agriculture, des sciences, arts et belles-lettres du département de l’Aube, tome L, troisième série, Troyes, 1913, p. 99-201. - 3 PL 80
- Exposition des Archives nationales
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