Une représentation impériale du début du XVIIe siècle

Cette charte ornée sur parchemin est conservée au sein de l’immense collection de 30 000 pièces d’archives réunie par le comte François Chandon de Briailles (1892-1953) dans son château de La Cordelière.

Maire de Chaource (1922-1953), conseiller d’arrondissement (1931-1940), puis conseiller général (1945-1953), Chandon de Briailles était un homme d’une grande érudition qui se passionna, entre autres, pour la généalogie, l’héraldique, la numismatique et l’archéologie.

Sa collection d’archives, léguée aux Archives départementales de l’Aube par ses héritiers en 1957 et en 2004, concerne essentiellement l’histoire du comté de Champagne, l’administration provinciale et le fonctionnement des institutions d’Ancien Régime, ainsi que l’histoire familiale. On y trouve ainsi une grande quantité de contrats de mariage, baux, procès et successions, de la correspondance et de très nombreuses pièces sigillographiques et héraldiques.

Ce document est un vidimus daté du 17 juillet 1608 délivré par la chancellerie de l’empereur Habsbourg Rodolphe II aux membres de la famille allemande de Lebkicher, dans le Bade-Wurtemberg. Il renouvelle et confirme les lettres d’anoblissement accordées le 8 mars 1363 par l’empereur Charles IV (1346-1378) à Jean Lebkicher, palatin de Wimpfen.

Cette copie bénéficia d’une mise en forme particulièrement soignée. Outre la lettrine initiale S (« Sagaci nominum industria adinuentum … ») rehaussée d’une dorure, elle comporte en son centre une spectaculaire miniature peinte figurant, dans un médaillon, les armoiries de la famille Lebkicher dont le blasonnement se lit : écartelé au 1 et 4, d'or à deux chevrons renversés de gueules, surmontés d'une tête de griffon de sable languée de gueules ; au 2, parti en a, de sable à la couronne d'or ornée de deux cornes du même ; en b, de gueules au griffon d'or ; au 3, parti en a, de gueules au griffon d'or ; en b, de sable à la couronne d'or ornée de deux cornes du même. L’écu sommé d'un heaume à lambrequins coiffé d’un cimier au griffon d'or issant d'une couronne d'or ornée de deux cornes, coupées, la première d'or et de gueules, la seconde de gueules et d'or.

Le médaillon sur fonds bleu est entouré, à sa gauche, par Charlemagne, couronné et tenant le sceptre et le globe, debout devant un étendard à l’aigle bicéphale, emblème héraldique du Saint-Empire ; et, à sa droite, par un empereur romain, sans doute Jules César, debout devant une bannière portant la devise abrégée S.P.Q.R. (Senatus populusque Romanus), emblème de la République puis de l’Empire romain. Une image destinée à rappeler à tous que le souverain germanique règne sur un empire plus que millénaire, hérité à la fois de la tradition antique et carolingienne, et qui, associée aux lettres d’anoblissement d’un haut dignitaire de l’Empire et à ses descendants, confirme le rôle des armoiries comme signe d’identité mais surtout contribue à faire de leur usage un marqueur de rang qu’elles n’avaient pas à l’origine.

Arnaud Baudin

Février 2023