Aliette de Rohan-Chabot : La dernière propriétaire du château de la Motte-Tilly au service de l’art français

L’exposition Les châteaux dans l’Aube. 1000 ans d’Histoire présentée à Troyes [Hôtel-Dieu-le-Comte, 6 juin-1er octobre 2023] fait la part belle au château de la Motte-Tilly.

À l’origine de sa renommée se trouve un homme, l’abbé Joseph Marie Terray (1715-1778), conseiller au Parlement de Paris puis ministre d’État de Louis XV. Contrôleur général des finances, il développe des méthodes drastiques et austères qui lui valent le surnom de « vide-gousset ».

Il achète le domaine de la Motte-Tilly, fait détruire les quelques bâtiments vétustes qui s’y trouvent et demande à l’architecte François-Nicolas Lancret de construire un château. Les travaux commencent en 1754. Il décède sans héritier direct, mais le château demeure néanmoins dans la famille. La fille d’un de ses petits-neveux, Charles Louis Terray, le vend finalement au comte Guy de Rohan-Chabot, son propre neveu, en 1910. La famille Rohan-Chabot y entreprend alors de nombreux travaux afin de lui donner davantage de confort.

Née en 1896, Louise Marie Geneviève de Rohan-Chabot dit Aliette, est la fille du comte Charles-Gérard de Rohan-Chabot et de Cécile Aubry-Vitet. A l’exemple notamment de sa mère, qu’elle voit tenir salon pour lever des fonds destinés à la restauration et à la préservation de l’art français, Aliette se tourne elle aussi vers le patrimoine. Elles effectuent ensemble un grand travail de recensement.

Aliette de Rohan-Chabot devient membre de La Sauvegarde de l’Art français fondée par Édouard Mortier, duc de Trévise. Cette association est créée en 1921 pour s’opposer à la destruction ou à la vente à l’étranger d’œuvres majeures du patrimoine français monumental et mobilier. En 1925, l’association est reconnue d’utilité publique – et devient une Fondation en 2017. À la mort du duc de Trévise en 1946, Aliette de Rohan-Chabot lui succède à la présidence de La Sauvegarde. C’est une présidente très active et engagée. Outre ses propres recherches et publications qui font l’unanimité dans le monde scientifique, elle contribue à la création des corps des Architectes des Bâtiments de France et des conservateurs des Monuments Historiques (son grand-oncle Ludovic Vitet est le premier inspecteur des Monuments Historiques), participe aux réunions dirigées par André Malraux et collabore à la Commission supérieure des Monuments Historiques.

La marquise partage son temps entre son hôtel parisien et son château de la Motte-Tilly qu’elle dote de tout le confort moderne.

Si sa vie professionnelle est riche et intense, sa vie personnelle est marquée par le drame de la mort, à onze jours d’intervalle, lors des combats de juillet 1918, de son époux, le marquis Jacquelin de La Tour Landry, et de son frère Gilbert qui lui était très attaché. La marquise ne se remarie pas, préférant vouer sa vie à la protection du patrimoine, et surtout à la protection des églises non classées antérieures au XIXe siècle et au mobilier liturgique. Elle y consacre d’importants moyens financiers. Dans son testament, elle donne une liste des édifices qu’elle souhaite voir restaurer, principalement composée d’églises rurales.

Décédée le 19 novembre 1972 sans héritier (sa fille unique décède en 1970), elle lègue le château de la Motte-Tilly à la Caisse Nationale des Monuments Historiques – aujourd’hui Centre des Monuments Nationaux - avec pour seul désir « que le château ne soit pas habité, mais simplement visité au profit de la Caisse, et reste meublé tel qu’il est aujourd’hui. Car je désire que le visiteur, au-delà de la simple curiosité, ait le sentiment d’une présence ».

Aurélie Gauthier

Septembre 2023